Les édifices parlementaires du Canada
Les édifices parlementaires des capitales provinciales
canadiennes symbolisent avec force le pouvoir et l'autorité des
gouvernements provinciaux. Leur valeur historique et leur
visibilité à titre de monuments nationaux en font des édifices qui
comptent parmi les plus emblématiques du pays. Vous croyez
probablement que cet exposé ne sera qu'une longue et ennuyante
leçon d'histoire et de politique, mais
détrompez‑vous! Les murs des édifices parlementaires du Canada
cachent de nombreux récits passionnants.
Les édifices parlementaires de Charlottetown, à
l'Île-du-Prince-Édouard, comptent parmi les bâtiments historiques
les plus importants au Canada. Construit en 1847 selon les
principes du néo‑classicisme, style qui s'inspire des grands
temples grecs et romains, Province House est le lieu où s'est
tenue la Conférence de Charlottetown de 1864, la première d'une
série de rencontres qui ont conduit à l'unification des colonies et
à la Confédération. Mais saviez-vous que la concierge de Province
House de l'époque, une dénommée Frances Preedy, habitait le
sous‑sol de Province House avec sa famille? Et qu'elle gagnait
autant d'argent que certains membres de l'Assemblée législative?
Plutôt intéressant comme situation, n'est-ce pas?
Sur la côte Ouest, à Victoria, l'histoire du B.C. Legislature s'est dessinée d'une
manière particulière. Au début des années 1890, afin de
s'assurer que la ville de Victoria conserve son statut de capitale
de la nouvelle province de Colombie-Britannique, on décide de
construire un édifice parlementaire plus imposant. Le choix de
l'architecte qui sera chargé de concevoir ce monument est
audacieux : il s'agit de Francis Mawson Rattenbury,
arrivé de son Angleterre natale seulement quelques semaines avant
de sortir vainqueur du concours du nouvel édifice du Parlement.
Rattenbury n'a que 25 ans au moment du concours, et il est
toujours considéré comme le plus jeune architecte du Canada à avoir
dessiné les plans d'un édifice parlementaire! La structure de style
néo‑roman repose sur de vastes pelouses bien entretenues et est
conçue pour créer une silhouette solennelle et spectaculaire entre
le littoral et les montagnes en arrrière‑plan. Ce coup de maître
permettra à Rattenbury de se bâtir une solide renommée et de
concevoir de nombreux bâtiments en Colombie‑Britannique, notamment
l'hôtel Empress, autre bâtiment mémorable à
Victoria.
C'est toutefois au centre du pays, plus particulièrement à
Winnipeg, au Manitoba, que s'érigera ce qui est sans doute
l'édifice parlementaire le plus beau et le plus intéressant du
pays. Construit entre 1913 et 1920 dans le style Beaux‑Arts, le
Palais législatif du Manitoba, grâce à
ses éléments architecturaux qui ne semblent exister que pour le
plaisir des yeux, est d'une beauté à couper la souffle, autant à
l'intérieur qu'à l'extérieur. L'élément ornemental le plus
remarquable de l'édifice est sans doute la statue « Golden
Boy » qui couronne la rotonde. Cette sculpture, qui
personnifie l'esprit d'initiative et la jeunesse éternelle, a été
sculptée par l'artiste Charles Gardet à Paris en 1918 et a été
coulée à la fonderie Barbedienne. La statue échappe aux
bombardements de la fonderie à la fin de la Première Guerre
mondiale, puis, au moment où on la met sur un navire français pour
l'expédier au Canada, celui‑ci est réquisitionné pour le transport
des troupes. Ce n'est qu'à la fin de la guerre que la statue, qui
reposera dans les flancs du navire pendant de nombreux mois,
débarquera au Canada, sera transportée par train à Winnipeg, puis
sera hissée au sommet du Palais législatif.
Sans doute moins frappants mais tout aussi intéressants sont les
éléments architecturaux en lien avec les francs‑maçons, notamment
le chiffre 13 qui est présent à de nombreux endroits de
l'édifice, notamment dans les lampes de la rotonde. Le chiffre
était considéré comme un symbole de chance chez les Égyptiens de
l'Antiquité et chez les francs‑maçons. Parmi les autres éléments
intéressants de l'édifice, soulignons celui qu'on appelle le
« rond de l'étoile noire », une salle de forme circulaire
située sous la rotonde, dont le plancher est orné d'une étoile
noire à huit pointes, laquelle s'aligne avec le dôme et la statue
du Golden Boy. La salle absorbe des bruits provenant de tous les
coins l'édifice et produit de mystérieux échos de la voix. Au cours
des dernières années, l'édifice a gagné en popularité grâce à
Frank Albo, professeur d'histoire de l'art, qui, par ses
écrits et ses visites guidées, a jeté un jour nouveau sur les
caractéristiques mystiques, voire occultes, de l'édifice et les
liens symboliques de celui-ci avec les francs‑maçons.
Les édifices parlementaires du Canada sont bien plus que des
endroits où se réunissent les députés des gouvernements
provinciaux. Bien que, par leur architecture majestueuse, ils
illustrent avec force le pouvoir et l'autorité du gouvernement, ils
renferment également des récits passionnants. Ces édifices
symbolisent notre histoire collective, notre tradition de
démocratie parlementaire ainsi que les espoirs et les rêves des
Canadiens qui, au tournant du siècle, ont mis en commun leurs
efforts pour faire du Canada un pays meilleur.