Description du lieu patrimonial
Le cinéma Corona, reconnu monument historique, est un lieu de divertissement populaire érigé en 1912. Il s'agit d'un bâtiment en brique de plan rectangulaire plus profond que large. Coiffé d'un toit plat, il comporte deux niveaux d'inégale hauteur. Sa façade est traitée en trois registres. Le premier (niveau piéton) présente un entablement en pierre et une série de portes. Le deuxième, encadré par un bandeau continu, comprend une verrière inscrite dans un arc monumental en plein cintre de type roman et des motifs cruciformes en terre cuite vernissée. Le dernier est de facture dépouillée. Le cinéma Corona est situé dans un milieu urbain densément construit de l'arrondissement municipal du Sud-Ouest de la ville de Montréal.
Valeur patrimoniale
La valeur patrimoniale du cinéma Corona repose sur sa représentativité par rapport aux théâtres cinématographiques et aux palaces cinématographiques. L'architecture des cinémas antérieurs à 1940 se divise en trois périodes : les scopes et les théâtres cinématographiques (salles adaptées au cinéma comme genre mineur, 1895-1915), les super palaces et les palaces de quartier (palaces cinématographiques, 1915-1930) et les salles des années 1930 (standardisation, 1930-1940). Les scopes et les théâtres cinématographiques sont des lieux de divertissement mixtes qui combinent le cinéma et les arts de la scène. Les films sont projetés en complément de programme ou à titre d'intermèdes. Contrairement au théâtre et à l'opéra, plus élitistes, le cinéma est alors perçu comme la récréation des classes populaires. Construit en 1912, le cinéma Corona, d'abord appelé « Family Theatre », présente dans un premier temps des vaudevilles et des pièces filmées. À partir de 1915, la projection des films devient le programme principal. C'est l'époque durant laquelle l'industrie cinématographique s'affirme et cherche à attirer les classes privilégiées. On assiste à la création d'un type architectural propre aux représentations cinématographiques, et les palaces de quartier se multiplient dans les centres urbains et les banlieues. En 1923, la compagnie United Amusement réaménage d'ailleurs le cinéma Corona dans l'esprit des palaces de quartier et y présente des films muets. Le cinéma Corona est donc un exemple représentatif à la fois des théâtres cinématographiques (extérieur) et des palaces cinématographiques (intérieur), qui ont diverti les foules et contribué à démocratiser la culture pendant les premières décennies du XXe siècle.
La valeur patrimoniale du cinéma Corona repose aussi sur son intérêt architectural. Ce cinéma est conçu pour la Duchess Amusement Co. en 1912, par les architectes montréalais Joseph-Cajetan Dufort (1868-1936) et Louis-Théophile Décary (1882-1952). Sa façade est inspirée de celle de la National Farmer's Bank, érigée en 1907 et 1908 à Owatonna (État du Minnesota, États-Unis) selon les plans de l'illustre architecte américain Louis Henry Sullivan (1856-1924). Elle est traitée en trois registres. Le premier (niveau piéton) présente un entablement en pierre et une série de portes. Le deuxième, encadré par un bandeau continu, comprend une verrière inscrite dans un arc monumental en plein cintre de type roman et des motifs cruciformes en terre cuite vernissée. Le dernier est de facture dépouillée. Par son arc monumental, la façade du cinéma Corona est typique des nombreux théâtres cinématographiques construits avant la Première Guerre mondiale en Europe et en Amérique du Nord.
La valeur patrimoniale du cinéma Corona repose également sur l'intérêt de son intérieur. Réaménagé en 1923 par l'architecte Daniel John Crighton (1868-1946), concepteur de plusieurs cinémas à Montréal pour la compagnie United Amusement, l'espace intérieur est particulièrement rationnel. La salle de spectacles, de plan rectangulaire, dispose d'un promenoir qui permet d'accéder au parterre et aux escaliers menant au balcon, lequel est en demi-cercle avec une pente abrupte. Deux niveaux de loges placées à angle s'inscrivent entre la scène et le balcon. La partie avant de l'édifice loge le hall où se trouve la billetterie en bois, seul exemple à subsister à Montréal. Quant au décor intérieur, il a été réalisé la même année par Emmanuel Briffa (1875-1955), auteur de la décoration de plus de 200 salles de cinéma en Amérique du Nord. De style classique, il comprend des colonnes corinthiennes, des arcs latéraux, des peintures allégoriques, des motifs peints au pochoir, des boiseries, des plâtres et le rideau de scène original. Ce décor caractéristique des « movie palaces » se démarque ainsi de ceux plutôt sobres des théâtres cinématographiques.
Source : Ministère de la Culture et des Communications du Québec, 2005.
Éléments caractéristiques
Les éléments clés du cinéma Corona liés à son implantation comprennent, notamment :
- sa situation dans un milieu urbain densément construit.
Les éléments clés du cinéma Corona liés à son intérêt architectural comprennent, notamment :
- son volume, dont le plan rectangulaire, les deux niveaux d'inégale hauteur et le toit plat;
- ses matériaux, dont la maçonnerie de brique;
- les murs aveugles à l'exception de la façade;
- la composition de la façade, dont le traitement en trois registres distincts, le premier présentant un entablement en pierre, le deuxième encadré par un bandeau continu comprenant un arc monumental en plein cintre de type roman en pierre et des motifs cruciformes en terre cuite vernissée, ainsi que le dernier de facture dépouillée;
- ses ouvertures, dont les portes du premier registre, la verrière, les deux fenêtres surmontées d'un fronton triangulaire en pierre et les fenêtres hautes et étroites du deuxième registre, ainsi que les petites fenêtres du niveau supérieur;
- la marquise.
Les éléments clés du cinéma Corona liés à l'intérêt de son intérieur comprennent, notamment :
- la partie avant comprenant le hall et la billetterie en bois;
- la salle de spectacles, de plan rectangulaire, comprenant le promenoir, le parterre, les escaliers, le balcon en demi-cercle de pente abrupte, les deux niveaux de loges placées à angle, la petite scène et la fosse d'orchestre;
- les loges d'artistes sous la scène;
- les caractéristiques du décor, dont les motifs classiques, les colonnes corinthiennes, les arcs latéraux, les peintures allégoriques, les motifs peints au pochoir, les boiseries, les plâtres et le rideau de scène original.