Description du lieu patrimonial
La maison Ernest-Cormier, classée monument historique, est une luxueuse résidence de style Art déco érigée en 1930 et 1931. La demeure en béton armé couverte de dalles de pierre à l'étage supérieur se compose de deux volumes cubiques juxtaposés de hauteurs inégales coiffés de toits plats s'inscrivant dans un plan rectangulaire étroit et profond. Construite sur un terrain fortement incliné, elle compte un étage en façade et quatre à l'arrière. La désignation inclut également le jardin situé à l'arrière, la tour en pierre ainsi que le garage souterrain. La maison Ernest-Cormier se situe dans le secteur du Mille carré doré, dans l'arrondissement municipal de Ville-Marie de la ville de Montréal. Elle est entourée d'une aire de protection.
La maison Ernest-Cormier est incluse dans l'arrondissement historique et naturel du Mont-Royal. Elle abrite un ensemble d'objets et de meubles classés oeuvre d'art sous la désignation de collection Ernest-Cormier. Celle-ci comprend quelques pièces importées d'Europe, mais la plupart des meubles ont été conçus par l'architecte lui-même et exécutés par l'ébéniste montréalais Louis Pistono (1888-1976), dont le mobilier en merisier teint, en macassar et en racine de noyer.
Valeur patrimoniale
La valeur patrimoniale de la maison Ernest-Cormier repose sur son importance pour l'histoire de l'architecture québécoise. Annonciatrice de l'architecture moderne, la demeure est l'un des bâtiments Art déco les plus achevés au Québec. Originaire de France, ce style connaît son apogée lors de l'Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes tenue à Paris en 1925 et est introduit peu après en Amérique. Bien qu'éphémère, il constitue l'une des premières manifestations de la modernité et touche autant les gratte-ciel que les résidences privées, le mobilier que les arts graphiques. L'architecture Art déco allie la richesse des matériaux et la simplicité des lignes, rompant avec l'historicisme des immeubles du début du XXe siècle. La maison Ernest-Cormier en est une illustration par ses volumes cubiques à l'ornementation dépouillée, ses lignes verticales, l'intégration de matériaux nobles et l'incorporation d'oeuvres d'art. La maison est également avant-gardiste par l'utilisation du béton armé comme matériau principal.
La valeur patrimoniale de la maison repose aussi sur la réputation de son architecte, Ernest Cormier (1885-1980), et sur son unicité. Cormier est l'un des architectes canadiens les plus importants de la première moitié du XXe siècle et il a contribué à renouveler le vocabulaire formel de l'architecture québécoise durant les décennies 1920 et 1930. Il simplifie le vocabulaire classique, produisant un classicisme épuré qui constitue une voie médiane entre l'historicisme et l'architecture d'avant-garde. Certaines de ses oeuvres sont des jalons de l'histoire de l'architecture québécoise. À titre d'exemple, le pavillon central de l'Université de Montréal, érigé de 1927 à 1943, est reconnu comme le premier immeuble moderne au Québec. Cormier contribue également à faire évoluer les technologies de construction. Il maîtrise mieux les impératifs techniques de l'architecture que la plupart de ses contemporains en raison de sa double formation d'architecte et d'ingénieur civil. L'architecte se démarque principalement par son utilisation du béton armé. Cormier réalise plusieurs autres édifices publics marquants, dont l'annexe du Palais de justice de Montréal (1920-1926) ainsi que la Cour suprême du Canada à Ottawa (1938-1950). Sa maison est la seule oeuvre résidentielle de ce spécialiste des édifices publics; elle est considérée comme l'une de ses oeuvres maîtresses.
La valeur patrimoniale de la maison repose également sur son intégration à l'environnement. Construite sur un terrain fortement incliné du Mille carré doré, la demeure compte un étage en façade et quatre à l'arrière. Le quatrième, où se situe l'entrée principale donnant sur les pièces de réception, comprend aussi le grand atelier, la cuisine et la salle à manger. Les chambres et la bibliothèque occupent le troisième étage. Le deuxième reçoit les appartements de la mère de l'architecte et donne accès au jardin. Enfin, les pièces de service sont situées au premier. La hiérarchie traditionnelle des étages est ainsi inversée. Par ailleurs, la terrasse supérieure offre une vue d'ensemble sur le centre-ville. Derrière la maison, l'architecte a, de plus, aménagé un jardin qui comprend une tour en pierre permettant d'accéder à un garage souterrain.
La valeur patrimoniale de la maison repose de plus sur son association avec l'architecte Ernest Cormier et avec l'homme politique Pierre Elliott Trudeau (1919-2000). Conçue, décorée et meublée par Cormier, elle reflète la richesse de sa personnalité et témoigne de la qualité de son oeuvre. L'architecte l'habite de 1930 à 1975. Par la suite, elle devient la résidence de Pierre Elliott Trudeau. Avocat, professeur de droit constitutionnel, auteur et premier ministre du Canada de 1968 à 1979 et de 1980 à 1984, Trudeau y réside de 1980 jusqu'à son décès.
Source : Ministère de la Culture et des Communications du Québec, 2004.
Éléments caractéristiques
Les éléments clés de l'architecture de la maison Ernest-Cormier incluent, notamment :
- ses caractéristiques Art déco, dont la façade avec ses lignes verticales formées par les retraits dans le parement de pierre et les ouvertures verticales, les bas-reliefs (la muse supportant la tour centrale de l'Université de Montréal au-dessus de l'entrée et les panneaux ornés de motifs floraux au-dessus de la fenêtre) et la marquise stylisée;
- ses caractéristiques plus particulièrement associées à l'architecture d'Ernest Cormier, dont le vocabulaire Art déco et la structure en béton armé;
- son volume, dont le corps de logis formé de deux cubes juxtaposés de hauteurs inégales s'inscrivant dans un plan rectangulaire étroit et profond ainsi que les toits plats;
- ses matériaux, dont le parement extérieur composé de dalles de pierre artificielle à l'étage supérieur et de crépi aux étages inférieurs;
- son ornementation sobre réservée à la façade;
- sa fenestration arythmique composée de grandes ouvertures verticales à l'étage supérieur, de fenêtres de dimensions réduites aux étages inférieurs et d'un bandeau vertical encadré d'enfoncements étroits marquant la cage d'escalier sur le mur est;
- son ornementation intérieure recherchée, dont la richesse des matériaux des planchers (marbres de différentes couleurs, terrazzos, lièges) et des murs (bois de noyer, de cèdre, de pin, d'acajou, papiers-bois japonais), le foyer en marbre gris de l'atelier ainsi que les quatre colonnes portantes revêtues de marbre et dorées à la feuille.
Les éléments clés de la maison Ernest-Cormier liés à son intégration à l'environnement incluent, notamment :
- sa situation dans le quartier Mille carré doré de l'arrondissement municipal de Ville-Marie de la ville de Montréal;
- sa situation dans l'arrondissement historique et naturel du Mont-Royal;
- son implantation sur un terrain fortement incliné dégageant un étage en façade et quatre étages à l'arrière;
- sa terrasse supérieure, derrière la résidence, offrant des vues sur le centre-ville de Montréal, le fleuve Saint-Laurent et la banlieue.