Description du lieu patrimonial
Le manoir Rouville-Campbell, classé monument historique, est un ensemble résidentiel néogothique d'inspiration Tudor construit entre 1853 et 1860. Il est composé d'une vaste demeure et d'écuries en brique rouge ainsi que d'un préau. La somptueuse résidence de plan irrégulier, à deux étages et demi, comprend des avant-corps et est coiffée d'un toit aux angles multiples. Les écuries reprennent le vocabulaire formel de la demeure. Hautes d'un étage et demi, elles présentent un plan en « L ». Le préau, constitué d'une colonnade en fonte finement ouvragée, longe les écuries. Les bâtiments s'élèvent sur un terrain aménagé, formé de jardins, de pelouses et de boisés. Situé dans la ville de Mont-Saint-Hilaire, le domaine borde la rive est de la rivière Richelieu et a pour cadre le majestueux mont Saint-Hilaire.
Valeur patrimoniale
La valeur patrimoniale du manoir Rouville-Campbell repose sur sa représentativité en tant que témoin de la fin du régime seigneurial. Sous le Régime français, le manoir est une demeure généralement plus vaste que les autres, qui sert de résidence au seigneur et de lieu de perception des cens et rentes. Avec la Conquête (1760) et l'abolition du régime seigneurial (1854), le terme manoir en vient à désigner une villa ou une résidence spacieuse et luxueuse, inspirée des styles architecturaux en vogue, le plus souvent établie à la campagne sur un vaste domaine paysager. À la fois manoir seigneurial et villa, le manoir Rouville-Campbell reflète cette évolution. Implanté sur une partie du domaine seigneurial, il témoigne, d'une part, de l'histoire de la seigneurie de Rouville concédée à Jean-Baptiste Hertel de Rouville (1668-1722) en 1694. Le manoir seigneurial construit par Jean-Baptiste-René Hertel de Rouville (1789-1859) en 1832 devient, en 1844, la propriété du nouveau seigneur, Thomas Edmund Campbell (1809 ou 1811-1872). Entre 1853 et 1860, Campbell fait agrandir et modifier l'ancien manoir et l'intègre au manoir actuel. Dernier seigneur de Rouville, celui-ci développe son domaine en y établissant une ferme modèle et participe activement à la vie politique du Bas-Canada et du Canada-Uni. La demeure est représentative, d'autre part, des propriétés bourgeoises du XIXe siècle. Construites majoritairement pour l'élite anglophone, elles sont l'oeuvre d'architectes. Le manoir est conçu par l'architecte Frederick Lawford (1821-1866), qui reprend les caractéristiques de la demeure ancestrale de la famille Campbell située à Inverawe en Écosse. D'inspiration Tudor, il évoque l'intérêt pour le style gothique dans la société anglophone. Il traduit, de plus, le goût bourgeois pour le pittoresque en offrant des vues sur le mont Saint-Hilaire, la rivière Richelieu et le vaste domaine avec ses écuries, ses jardins, ses pelouses et ses boisés.
La valeur patrimoniale du manoir repose aussi sur son intérêt architectural et sur sa rareté. Du style néogothique d'inspiration Tudor, inspiré des manoirs de la campagne anglaise et écossaise du XVIe siècle, la résidence et les écuries adoptent notamment le plan irrégulier, les jeux d'angle du toit, les avant-corps et les pignons surmontés d'un gâble. Le répertoire décoratif comprend les baies à un ou plusieurs meneaux coiffées d'un rejéteau, les baies en saillie, les très hautes souches de cheminée en brique dont certaines torsadées et, longeant les écuries, la colonnade en fonte finement ouvragée du préau. Ces éléments font de l'ensemble une illustration remarquable de ce style dans l'architecture résidentielle québécoise.
La valeur patrimoniale du manoir repose également sur son intérêt ethnographique. La demeure évoque le mode d'habiter de la société bourgeoise du XIXe siècle, qui considère la résidence privée entre autres comme le symbole de sa réussite sociale, ce qui s'exprime par la spécialisation des pièces, leur distribution hiérarchisée et leur décor. Porteuses de symboles, les pièces abondamment ornementées du rez-de-chaussée, qui comprennent un vestibule, un hall d'entrée spacieux et un salon luxueux, reflètent le statut social des propriétaires. Les anciennes écuries et le préau évoquent aussi, par leur architecture élaborée, prospérité et richesse.
La valeur patrimoniale du manoir repose de plus sur son association avec l'artiste Jordi Bonet (1932-1979). Dessinateur, peintre, céramiste, muraliste et sculpteur de renommée internationale, Jordi Bonet acquiert le manoir en 1969. En plus d'investir dans l'achat et la conservation de cet ensemble, il y établit un centre d'art et ses ateliers, où il travaille jusqu'à sa mort.
Source : Ministère de la Culture et des Communications du Québec, 2004.
Éléments caractéristiques
Les caractéristiques du manoir Rouville-Campbell liées à sa représentativité en tant que témoin du régime seigneurial incluent, notamment :
- sa situation sur le domaine seigneurial de Rouville, à l'emplacement de l'ancien manoir, intégré dans la partie ouest du manoir actuel.
Les caractéristiques du manoir Rouville-Campbell liées à son architecture gothique d'inspiration Tudor incluent, notamment :
- le volume de la résidence, entre autres le plan irrégulier comprenant des avant-corps, l'élévation de deux étages et demi, les avant-corps et les pignons surmontés d'un gâble, l'avant-corps comprenant le porche encadré de deux tourelles octogonales hors-d'oeuvre, les jeux d'angle du toit, les hautes souches de cheminée en brique dont certaines torsadées;
- le volume des écuries, dont le plan en « L », les avant-corps et les pignons surmontés d'un gâble ainsi que les jeux d'angle du toit;
- le préau longeant les écuries couvert d'un toit en appentis;
- les matériaux, dont la brique rouge structurale de trois épaisseurs, le bois imitant la pierre pour l'ensemble de l'ornementation, la tôle à la canadienne couvrant la résidence et la tôle à baguettes couvrant les toits des écuries et du préau ainsi que la colonnade en fonte finement ouvragée du préau;
- les ouvertures, dont les baies à un ou plusieurs meneaux (divisées aux deux tiers de la hauteur par une traverse et surmontées d'un rejéteau en bois imitant la pierre) ainsi que le porche et les baies en saillie de la résidence.
Les caractéristiques du manoir Rouville-Campbell liées son intérêt ethnographique incluent, notamment :
- les éléments témoignant du mode de vie bourgeois au XIXe siècle, dont la disposition hiérarchique des pièces au rez-de-chaussée (parmi lesquelles le salon occupant toute la largeur du manoir, le hall central et le vestibule précédant le hall) ainsi que la présence d'écuries et d'un préau;
- les éléments témoignant de l'attention apportée au paraître, dont l'aménagement des spacieuses pièces de réception (entre autres la marqueterie du salon, les arches Tudor ornées de colonnettes ou de remplages, les foyers de pierre ou de fonte ouvragées, les hautes plinthes, les plâtres moulurés, les appliques plâtrées et les rosaces ainsi que l'escalier principal);
- les éléments associés au goût bourgeois pour le pittoresque, dont la situation dans un environnement de jardins et les vues sur le vaste domaine, la rivière Richelieu et le mont Saint-Hilaire.