Gares ferroviaires patrimoniales
Le charme des gares
ferroviaires
Les gares ferroviaires du Canada présentent des architectures
impressionnantes et attrayantes, et, sans elles, la croissance de
notre pays n'aurait pas été la même. La plupart ont été érigées à
la fin du XIXe siècle et au début du
XXe siècle, à l'époque où le Chemin de fer Canadien
Pacifique construisait un chemin de fer transcontinental et où des
compagnies concurrentes installaient leurs propres voies ferrées en
vue de transporter des passagers. Il fut un temps où les gares
ferroviaires accueillaient les premiers pas des passagers qui
arrivaient dans une petite ville ou dans un grand centre urbain.
Les compagnies de chemin de fer concevaient donc des gares qui
impressionnaient les voyageurs et, bien sûr, les clients
éventuels.
Les gares ferroviaires canadiennes comptent de nombreux édifices
vraiment remarquables. Au début du XXe siècle, les
voyageurs pouvaient entre autres contempler des constructions de
style château qui fait appel aux aspects fantaisistes et imposants
des châteaux français des XIVe et XVe
siècles. Les gares de style château se reconnaissent à leurs lignes
de toiture pentues et ornées que ponctuent lucarnes, pignons et
tourelles, à leurs imposantes façades continues et à la richesse
des matériaux utilisés pour leur construction, notamment la brique,
la pierre et le cuivre. L'ancienne gare ferroviaire et hôtel
Canadien Pacifique de McAdam au Nouveau-Brunswick, qui date de
1900-1901, compte parmi les plus beaux spécimens de gares de style
château.
Dans certaines grandes agglomérations du Canada, notamment à
Halifax, Montréal, Toronto et Hamilton, les compagnies de chemin de
fer optent pour le style Beaux-arts, plus formel. Les gares de
style Beaux‑arts affichent des dimensions monumentales et des
ornements classiques, et respectent des plans rationnels et
ordonnés. Tant l'esthétique extérieure que l'aménagement intérieur
de l'édifice font l'objet d'une planification minutieuse. On y
trouve des colonnades monumentales qui mettent en valeur l'élément
central des lieux, d'immenses billetteries ou de grands halls, un
aménagement rationnel et des voies de circulation pouvant
accueillir des volumes considérables de passagers. La Gare Union de Winnipeg,
bien en vue sur la rue Main et au pied de l'avenue Broadway,
est un des fleurons des gares de style Beaux-arts au Canada.
Ces gares évoquent le charme des voyages en train et ont été
construites durant « l'âge d'or » du voyage au Canada,
qui a duré de nombreuses décennies. La popularité grandissante des
déplacements en automobile et des voyages aériens a toutefois
entraîné une désaffectation d'un grand nombre de gares qui ont
ensuite été négligées, puis démolies. C'est vers la fin des années
1980 que l'on s'est mis à s'inquiéter de ce que les gares
ferroviaires n'étaient pas protégées adéquatement.
Pour protéger notre
histoire : la Loi sur la protection des gares ferroviaires
patrimoniales
Réagissant aux préoccupations du public, le gouvernement fédéral
adopte en 1990 la Loi sur la protection des gares ferroviaires
patrimoniales, grâce à laquelle de nombreuses gares sont
désignées par la Commission des lieux et monuments historiques du
Canada (CLMHC) et bénéficient par là de mesures de
protection.
La Loi prévoit que les compagnies de chemin de fer sont
passibles d'amendes pouvant atteindre un million de dollars si
elles enlèvent, démolissent, modifient ou aliènent sans
autorisation une gare ferroviaire désignée. La Loi
autorise en outre la CLMHC à recommander que des gares en
particulier fassent l'objet d'une désignation ministérielle. Pour y
être admissible, une gare doit avoir au moins 40 ans, être
administrée par une compagnie de chemin de fer ou en être la
propriété, et avoir été construite ou utilisée à des fins associées
au transport de passagers et de marchandises.
Les gares ferroviaires sont évaluées en fonction de critères
tels que les associations historiques, la qualité de leur
architecture, leur relation avec les immeubles environnants et leur
valeur pour la population locale. Des inventaires méticuleux ont
permis de recueillir de l'information sur les gares et ont donné
lieu à des rapports de recherche détaillés intitulés Rapports
sur les gares ferroviaires (aussi appelés « RSR »).
Au cours des 20 dernières années, on a évalué plus de
300 gares dont plus de la moitié ont fait l'objet d'une
désignation.
La Loi vise à protéger les gares ferroviaires et les
bâtiments connexes afin que la CLMHC puisse surveiller leur
réhabilitation et prodiguer des conseils à cet égard, au besoin.
Pour le moment, la Loi ne protège que les édifices des
gares proprement dits. La Loi a ses limites, mais elle
prévoit certains mécanismes de contrôle qui assurent que les
interventions respecteront les valeurs patrimoniales et le
caractère du lieu. La Loi autorise la CLMHC à conseiller
une compagnie de chemin de fer quant aux modifications à apporter à
une gare, à étudier les propositions de vente d'une gare et à jouer
un rôle majeur dans la détermination de son usage subséquent.
D'éventuels nouveaux propriétaires doivent, avant de conclure la
transaction, accepter d'obtenir une désignation patrimoniale
provinciale ou municipale afin d'assurer la protection de la gare à
l'avenir. Les nouveaux propriétaires sont aussi incités à
réhabiliter l'édifice et à lui donner une fonction intéressante.
Enfin, bien que le titre de propriété puisse changer de main, la
désignation d'édifice fédéral commémoratif demeure, assurant ainsi
que les gares ferroviaires demeurent des points de repère
importants et des ressources culturelles identifiables pour les
collectivités canadiennes.
Belles réussites en matière de
conservation
Certaines gares ferroviaires s'en sont tirées mieux que
d'autres. Voici quatre histoires de réussite qui illustrent
différentes méthodes de protection. Parlons d'abord de l'ancienne
gare ferroviaire de McAdam (1900-1901), un des
rares vestiges du tandem gare ferroviaire-hôtel. Négligé pendant
nombre d'années, l'édifice digne d'intérêt est actuellement
entretenu par la McAdam Historical Restoration Commission
Inc. Heureusement, l'édifice est aujourd'hui protégé par
deux instruments législatifs, à savoir la Loi sur la protection
des gares ferroviaires patrimoniales et la désignation au
titre de lieu historique national.
Mentionnons ensuite la Gare ferroviaire de la rue York à Fredericton,
désignée en 1991 et abandonnée à la fin des années 1990. Depuis dix
ans, l'intérêt grandissant du public (elle a été inscrite en 2007
sur la liste des sites les plus menacés au Canada de la fondation
Héritage Canada) et la médiation menée par la CLMHC ont permis d'en
arriver à une solution. Le propriétaire a consenti à restaurer
l'édifice à l'aide d'une subvention gouvernementale et a cédé un
bail commercial de 20 ans. Depuis 2010, la gare bénéficie
d'une protection additionnelle en vertu d'une désignation
patrimoniale provinciale. Les travaux de restauration sont presque
achevés, et la collectivité de Fredericton se réjouit de voir ce
lieu historique culte redevenir un carrefour.
L'ancienne Gare du Canadien Pacifique de Brandon est un
autre bel exemple de réussite. Elle a été vendue en 2010, mais le
nouveau propriétaire privé a accepté de conserver et de restaurer
les éléments historiques de l'édifice, et le gouvernement
provincial a reconnu l'endroit en lui conférant une désignation
patrimoniale en 2011.
Enfin, citons l'imposante et magnifique gare construite à
l'origine par la Compagnie du chemin de fer du sud du Canada à
St. Thomas en Ontario, qui a été protégée et réhabilitée. Conçue
par l'architecte canadien Edgar Berryman (1839-1905) au début des
années 1870, la gare au style italianisant dont la façade compte
44 ouvertures est rehaussée de détails simples d'inspiration
classique. Elle est, jusque dans les années 1920, l'une des gares
les plus fréquentées du Canada. Le trajet de la Compagnie du chemin
de fer du sud du Canada qui traverse le sud-ouest de l'Ontario
permet la liaison avec Chicago et New York et favorise le
développement économique et la croissance de St. Thomas. Bien
qu'elle soit désignée gare ferroviaire patrimoniale en 1990, la
gare tombe en désuétude et se détériore pendant les années 1990. En
2001, la société On Track en fait l'acquisition et, en 2005, c'est
le North America Railway Hall of Fame qui en devient propriétaire. La
Fiducie du patrimoine ontarien établit une servitude de
conservation du patrimoine sur l'édifice en 2005.
Les efforts de restauration ont été soutenus par diverses
initiatives de collecte de fonds et de sensibilisation - y compris
une page Facebook. La gare ayant retrouvé sa place
centrale au sein de la collectivité, la ville de St. Thomas en fait
la promotion et la présente comme une attraction touristique. En
juin 2011, dans le cadre d'une cérémonie qui s'est déroulée à la gare, la
Fiducie du patrimoine ontarien a dévoilé une plaque visant à
commémorer ces efforts ainsi que l'importance historique de
l'édifice.
Ces histoires de réussite montrent que la Loi sur la
protection des gares ferroviaires patrimoniales est à l'œuvre
pour faire revivre les gares ferroviaires historiques.
Autre remarque : Où
trouve-t-on des renseignements sur les gares ferroviaires
patrimoniales désignées par le gouvernement fédéral?
Vous trouverez des renseignements concernant 164 gares
ferroviaires patrimoniales désignées par le gouvernement fédéral
dans le Répertoire canadien des lieux patrimoniaux. Depuis 1990,
certaines gares ont changé de main, et la CLMHC parle de ce
processus comme d'un « retrait de la liste ».
L'expression « retirée de la liste » n'indique que le
moment où la CLMHC autorise une compagnie de chemin de fer à vendre
une gare à un nouveau propriétaire et ne veut pas dire que la gare
est rayée de quelque liste que ce soit ou qu'elle n'est plus
appréciée pour sa valeur patrimoniale.
Qui plus est, il faut souligner que la désignation commémorative
de la CLMHC ne disparaît pas lorsque le propriétaire change. Ainsi,
bien que 84 gares aient été « retirées de la
liste », celles-ci demeurent des gares ferroviaires
patrimoniales. Dans certains cas, les gares sont désignées
séparément au titre de lieu historique national. Dans la plupart
des autres cas, les gares bénéficient de nouvelles mesures de
protection légale à la faveur de désignations provinciales ou
municipales, ce qui constitue généralement une exigence pour que
leur vente soit autorisée ou que le titre de propriété soit
cédé.
Le Répertoire canadien des lieux patrimoniaux et la CLMHC
travaillent actuellement de concert pour mettre à jour la liste des
gares ferroviaires patrimoniales et pour enrichir les
renseignements disponibles à leur sujet. C'est dans ce but que des
énoncés de valeur patrimoniale accompagneront bientôt toutes les
fiches consacrées à des gares ferroviaires désignées par le
gouvernement fédéral que contient le Répertoire canadien.