L'architecture Second Empire
Qu'est-ce que l'architecture Second Empire? Il s'agit d'un style
architectural qui est né durant la période « Second
Empire » en France (1852‑1870), caractérisé par le règne de
Napoléon III. Ce dernier charge alors l'urbaniste
Georges E. Haussman de réaménager les rues de Paris, ce
qui donnera lieu à la création de grands boulevards et à l'érection
de bâtiments de style Second Empire. L'objectif du baron
Haussmann est alors de créer une architecture impressionnante qui
créé un effet de grandeur et de prestige, architecture que l'on
reconnaît facilement à son toit mansardé (nommée en l'honneur de
François Mansart, qui a popularisé ce type de toiture au
XVIe siècle). Ce type de toiture avait l'avantage
de maximiser l'espace sous les combles et constituait une façon
simple d'ajouter un ou deux étages à un bâtiment existant sans être
obligé d'ajouter de la nouvelle maçonnerie. De plus, sa forme
arquée ou convexe permettait d'ajouter des éléments décoratifs
comme des faîteaux en fer et des lucarnes aux formes élaborées. Le
style Second Empire a progressivement été adopté à l'étranger et au
Canada, où il est devenu le style dominant dans les
années 1870. Au Canada, on a pu observer quelques variantes,
notamment l'ajout de tours centrales − influence d'inspiration
italienne − qui servaient de points centraux attirant l'attention
sur d'autres éléments décoratifs.
La Maison Beaverbrook, située à Mirimachi,
au Nouveau‑Brunswick, constitue un exemple particulièrement réussi
du style Second Empire. Conçue en 1877 par l'architecte
D. E. Dunham pour le constructeur naval local
William Watt, la maison intègre plusieurs éléments
caractéristiques du style Second Empire comme un toit mansardé, des
lucarnes élaborées (lucarnes à comble brisé au premier étage et
lucarnes à pignon aux chambranles moulurés à l'étage supérieur),
des consoles décoratives et une ligne de toiture agrémentée d'une
crête de fer. Elle comporte également des fenêtres en baie et un
bardage à clin en bois. La Maison Beaverbrook est un parfait
exemple des constructions asymétriques de style Second Empire, que
l'on observe plus souvent dans l'architecture résidentielle que
dans l'architecture publique. La pelouse en terrasse de la
résidence descend vers la rue et le centre‑ville, ce qui accentue
l'effet impressionnant de la maison. Son intérêt historique repose
également sur le fait qu'elle est associée à Lord Beaverbrook,
politicien, éditeur et philanthrope célèbre.
Si vous êtes à Montréal et souhaitez voir un autre
exemple de construction Second Empire, dirigez‑vous vers l'Hôtel de Ville de Montréal.
Construite entre 1872 et 1878, cette construction de pierre
majestueuse s'élève sur cinq étages. Conçu d'après certains des
plus beaux édifices publics de Paris construits quelques décennies
plus tôt, cet édifice est unique parce qu'il s'agit du premier
hôtel de ville à avoir été construit au Canada uniquement pour
loger une administration municipale, la moitié de son espace étant
consacré aux fonctions cérémoniales. Il témoigne également du
rayonnement international de Montréal, en voie de devenir la plaque
tournante du commerce et des affaires. L'édifice se caractérise
notamment par ses toits mansardés à forte pente à revêtement
métallique, ses nombreuses lucarnes qui animent la ligne de faîte,
sa façade asymétrique que domine un pavillon d'entrée à frontons de
deux étages et des pavillons latéraux, ses cordons en saillie entre
les étages et ses éléments décoratifs classiques.
Le Cox Terrace, lieu historique national
situé à Peterborough, en Ontario, est un exemple particulièrement
vivant de l'architecture Second Empire. Construit en 1884 pour
George A. Cox, homme d'affaires prospère et influent,
cette maison en rangée au plan élaboré se démarque de celles que
l'on voit habituellement au Canada. Elle est composée d'un imposant
bloc central en saillie de trois étages, de sections en retrait de
deux étages et demi et de pavillons d'extrémité de trois étages en
saillie. Parmi les caractéristiques propres au style
Second Empire, mentionnons les toits mansardés convexes
et droites, les fenêtres en baie et les lucarnes cintrées. La
maison incorpore d'autres éléments plus complexes témoignant du
style Second Empire, notamment des consoles décoratives, un
pseudo‑parapet à balustrade au‑dessus du bloc central, des larmiers
surplombant les lucarnes, des lucarnes cintrées et en voûte et des
fenêtres en baie à trois côtés. Le Cox Terrace témoigne du
développement de la ville de Peterborough dans les années 1870 et
1880 en tant qu'important carrefour ferroviaire, qui deviendra
également l'une des principales villes industrielles de
l'Ontario.
Bien qu'au Canada, le style
Second Empire ait principalement été utilisé pour la
construction d'édifices commerciaux, publics et privés, et qu'il
symbolisait la richesse et un certain cosmopolitisme, il a
également été utilisé pour la conception d'institutions
religieuses. Par exemple, l'Église catholique de Winnipeg, à
Manitoba, a apprécié le style au point de l'adopter pour la
construction du Couvent des Soeurs des Saints Noms de Jésus et de
Marie en 1900, et ce, bien après que le style soit passé
de mode dans le reste du pays. Conçu par l'architecte et
entrepreneur J. A. Senecal, le bâtiment se caractérise
par un plan symétrique qui a pris la forme d'un T après l'ajout
d'une aile au nord. Le bâtiment intègre de nombreux éléments
caractéristiques du style Second Empire, notamment une tour
centrale, un toit mansardé à forte pente et de hautes fenêtres
rectangulaires. Au fil des années, le bâtiment a servi de couvent,
de pensionnat pour jeunes filles, d'établissement d'enseignement,
d'école de musique, d'infirmerie et de complexe commercial. Le
couvent qui, par sa structure massive, domine le lieu, est l'un des
principaux points d'intérêt du quartier depuis plus de
cent ans.
Les provinces des Prairies et la Colombie‑Britannique comptent
peu d'exemples de bâtiments de style Second Empire,
principalement parce que ces régions se sont développées plusieurs
années après le déclin du style dans le reste du pays. Soulignons
toutefois les exemples suivants : la Marr
Residence (1883) à Saskatoon, en Saskatchewan, le
Union Bank Building (1899) à Fort Macleod,
en Alberta, et le Yale Hotel (1888) à Vancouver, en
Colombie‑Britannique. L'un des exemples les plus réussis de
l'architecture Second Empire de l'Ouest canadien se trouve à
Victoria, en Colombie‑Britannique; il s'agit de l'Hôtel de Ville de Victoria.
Construit entre 1878 et 1890, le bâtiment de deux étages à vocation
administrative comporte un balcon, de la brique polychrome, une
tour centrale munie d'une horloge, un toit mansardé, des
lucarnes cintrées et des consoles décoratives. Construit pour
symboliser le pouvoir municipal, le bâtiment qui domine le
centre‑ville de Victoria est toujours le siège du gouvernement
local.
Dès les années 1890, les architectes ont peu à peu délaissé le
style Second Empire. Bon nombre des bâtiments de ce style sont
alors la proie des flammes, phénomène que les pompiers du début du
XXe siècle attribuent aux toits mansardés,
endroit où naissent généralement les incendies. Par conséquent,
dans les années 1920 et 1930, de nombreux propriétaires de
bâtiments situés dans les secteurs commerciaux seront forcés de
retirer leur toiture. Entre les années 1950 et 1970, les bâtiments
sont jugés trop élaborés pour les rues modernes du centre‑ville et
plusieurs sont entièrement démolis. Toutefois, en 1960, grâce au
film Psycho d'Alfred Hitchcock (la maison de Bates
occupant un des rôles principaux du film), les maisons Second
Empire retrouvent leur place au sein de la culture populaire, et
seront dès lors associées à un style victorien romantique et
lugubre (Hitchcock accentuera cette mode en parlant de
« gothique californien »).
Aujourd'hui, tous les bâtiments Second Empire subsistants
ont retrouvé leur prestige; ils nous rappellent l'élégance de la
France et les aspirations de la société canadienne du
XIXe siècle qui souhaitait se faire une place sur
la scène internationale. Un quartier comptant un bâtiment de style
Second Empire est un quartier plus prestigieux !