« Chez moi au Canada » : La famille royale aux lieux patrimoniaux du Canada
« Et, dans toutes les visites que nous avons effectuées
au fil du temps, que nous ayons assisté à une course de chariots au
Stampede de Calgary ou aux prouesses athlétiques pendant les Jeux
olympiques de Montréal, écouté une chanson inuite de bienvenue au
Nunavut ou le son aigu de la cornemuse en Nouvelle‑Écosse, je me
suis toujours sentie non seulement la bienvenue mais aussi chez moi
au Canada. »
La reine Elizabeth II
Edmonton (Alberta),
mai 2005
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Les liens qui unissent le Canada et la monarchie britannique
sont profonds. Bien que l'autorité et les traditions laissent
certaines personnes indifférentes, il ne fait aucun doute que la
majorité des Canadiens sont passionnés par la famille royale, ou du
moins qu'ils éprouvent une certaine curiosité à son égard. Les
Canadiens ont démontré ce sentiment lors de la visite royale
effectuée au Canada en 2011 par Leurs Altesses Royales le duc et la
duchesse de Cambridge qui ont été accueillis par une foule de
curieux et d'admirateurs désireux de voir ou de rencontrer William
et Catherine. La visite a non seulement permis d'accroître la
célébrité du couple royal, mais elle a aussi contribué à faire
connaître davantage le patrimoine collectif de notre pays.
James Moore, ministre de Patrimoine canadien, a déclaré que la
visite royale « est une occasion pour les Canadiens d'évoquer
leurs traditions et leur histoire, et de prendre conscience de
leurs valeurs communes. En outre, elle contribuera à renforcer
l'identité canadienne ». Les lieux patrimoniaux du
Canada constituent le cadre idéal pour tisser et renforcer ces
liens de nationalisme.
Le patrimoine du Canada est inextricablement lié à l'histoire de
la monarchie, car c'est sous les auspices des dirigeants européens
que le Canada a d'abord été exploré et exploité et que les premiers
colons s'y sont ensuite établis et qu'ils se le sont disputé.
L'association du Canada à la monarchie britannique s'est accrue à
la suite du Traité de Paris en 1763, un accord à l'issue duquel la
France a cédé la plus grande partie de l'Amérique du Nord à
l'Angleterre. Depuis, nos liens avec la Couronne font partie de
notre vie quotidienne. Mentionnons comme exemple la monnaie dans
votre portefeuille! D'autres rappels de ce lien impérial
comprennent entre autres la fête de Victoria, la Gendarmerie royale
du Canada, le lac Louise et la province de l'Alberta (tous deux
nommés en l'honneur de la princesse
Louise Caroline Alberta, 1848‑1939), la Queen Elizabeth
Way (autoroute QEW) en Ontario, pour ne nommer que ceux‑ci.
Le premier membre de la famille royale britannique à fouler le
sol canadien est le prince William (devenu ensuite le roi
William IV). Fils du roi George III et officier de la
Marine royale, il arrive à Terre‑Neuve et en Nouvelle‑Écosse en
1786. Pendant son séjour à Placentia, à Terre‑Neuve, il commande la
construction d'une église, celle de St. Luke's, dont certains
éléments seront intégrés à une construction plus récente, soit
celle de l'édifice du patrimoine municipal de l'église anglicane de St. Luke's. Depuis, de
nombreux membres de la famille royale ont visité le Canada durant
leurs carrières militaires, y compris le prince Harry, petit‑fils
de la reine Elizabeth II, qui a suivi une formation à BRF Suffield en Alberta, en 2007, alors
que d'autres ont voyagé au Canada
dans le cadre de visites officielles ou privées.
Sur le plan historique, de nombreux lieux patrimoniaux désignés
constituent le cadre idéal pour démontrer la fierté que les gens
éprouvent à l'égard de l'Empire britannique. Pendant la
construction d'un nouvel édifice du Parlement à Ottawa en 1859, le
Parlement canadien invite la reine Victoria au Canada. Cette
dernière envoie à sa place son fils de 18 ans, le prince
Édouard (devenu ensuite le roi Édouard VII) en 1860 pour qu'il
visite les provinces; le prince se rend notamment à Province House, à Charlottetown, à
l'Île‑du‑Prince‑Édouard. Cette première visite royale officielle en
Amérique du Nord britannique est un succès et contribue à
l'unification des provinces en confirmant le lien commun qui unit
les pionniers, soit l'allégeance à la reine (Bousfield et Toffoli,
56). Peu de temps après la visite du prince, cette magnifique
structure de style néoclassique, source de fierté pour les
insulaires, deviendra un symbole du lieu de naissance de notre pays
pour avoir accueilli, en 1864, la Conférence de Charlottetown,
événement qui a mené à la création de la Confédération canadienne
en 1867.
Le patrimoine bâti du
Canada constituait la toile de fond parfaite pour confirmer la
loyauté des pionniers envers la Couronne. Lors de la visite du
prince Édouard en 1860, un article paru le 24 juillet dans le
Citizen, un journal d'Ottawa, décrit la visite
royale comme suit : « Le Canada se prépare - comme
une mariée qui enfile sa robe - à rencontrer son futur souverain et
invité » [traduction]. Dans un souci d'apparat similaire, des
fanions, des bannières et des banderoles ornent l'hôtel de ville de Calgary pendant la visite
effectuée en 1912 par le prince Arthur, duc de Connaught
et gouverneur général de 1911 à 1916. Terminé seulement
l'année précédant la visite, l'hôtel de ville est un édifice
imposant qui constitue un symbole de l'ambition, du progrès et de
la prospérité de Calgary, mais qui est également devenu un endroit
confirmant de nouveau la loyauté de la nation envers leur roi.
Après la Première Guerre mondiale, le roi George V envoie
son fils, le prince de Galles (devenu ensuite le roi Édouard VIII),
faire de nombreuses visites royales pour resserrer les liens qui
unissent l'Angleterre aux États de son empire. Au cours des années
qui suivront, le prince visitera le Canada (1919), l'Australie et
la Nouvelle‑Zélande (1920), l'Inde (1921) et l'Afrique (1925).
Pendant sa visite au Canada, il participe à de nombreuses activités
indéniablement « canadiennes » : il assiste à une
démonstration des capacités équestres de la GRC et à une séance de
dressage de chevaux en Saskatchewan; il est élu chef de tribu et
reçoit le titre de « Morning Star » (étoile du matin)
d'un groupe de Premières nations à Banff, en Alberta; il pratique
la pêche au lac Nipigon, en Ontario. Il déclare :
« Bien que je ne sois pas Canadien de naissance, je veux que
le Canada me considère comme l'un des leurs, car je le suis
certainement de cœur et d'esprit » [traduction] (Fabb, 105).
Toutefois, c'est la vie dans l'Ouest qui lui fera la plus grande
impression. Dans les contreforts du sud de l'Alberta, le prince est
accueilli au ranch Bar U, par George Lane, cofondateur
du Stampede de Calgary. Cet endroit, un exemple représentatif de
l'industrie de l'élevage au Canada qui témoigne d'une tradition
bien établie typique de l'Ouest du Canada, motive le prince à
s'acheter son propre ranch dans la région. Il déclare :
« Les gens de l'Ouest, par leur liberté d'esprit, leur vigueur
et l'espoir qui les anime, non seulement m'inspirent, mais aussi me
rendent heureux et me font sentir chez moi » [traduction]. Le
ranch est renommé ranch E.P. (E.P. signifie « Edward
Prince» - prince Édouard). En 1923, le prince effectue une
visite privée à sa ferme au Canada où il prend part aux corvées
habituelles d'un ranch, comme couper du bois, nettoyer l'étable et
remplir le silo. Entre les corvées, le prince et les autres hommes
à gages dînent des fruits de leur labeur, soit des galettes
d'avoine, du maïs en épi, des carottes et des betteraves (Bousfield
et Toffoli, 95-8). Bien que le prince ne soit pas Canadien de
naissance, c'est à son ranch qu'il réussit néanmoins à se sentir
comme un jeune Canadien en découvrant les traditions et les
pratiques propres à la vie des pionniers dans l'Ouest.
Une des visites royales
les plus importantes et les plus inédites du
XXe siècle est celle faite par le roi
George VI et la reine Elizabeth en 1939; pour la première
fois dans notre histoire, des monarques en titre effectuent une
visite au Canada. Ils font plusieurs escales partout au pays et
visitent chaque province. Cette visite, tout comme celles
effectuées précédemment, contribue à l'unification de la nation en
mettant en valeur une identité et une histoire communes. Parmi les
édifices nationaux importants figurant au programme de la visite
royale, il y a l'hôtel Banff Springs, à Banff, en Alberta,
ainsi que le Château Laurier, à Ottawa, où l'apparat et le
protocole propres à un banquet royal sont mis en évidence.
Construits par des compagnies de chemin de fer canadiennes dans le
but d'inciter les touristes à voyager en train, ces hôtels
continuent d'être des emblèmes remarquables du Canada.
Pendant son séjour à
Ottawa, le roi George accorde la sanction royale aux projets
de loi adoptés au Sénat avant de poser pour une photo sous la Tour
de la Paix de l'édifice du Centre, un symbole emblématique
important de la gouvernance et de la démocratie canadiennes. Lors
de la pose de la première pierre de l'édifice de la Cour suprême, la reine
prononce son premier discours au Canada et déclare notamment ce qui
suit : « Peut‑être convient‑il que cette tâche soit
accomplie par une femme, car la situation que la femme occupe dans
le monde civilisé a grandi avec la
loi » [traduction] (Fleming, 53). Cet édifice est
maintenant un symbole dominant du système juridique du Canada et
représente les droits et les libertés que nous partageons
tous.
Depuis 1939, des membres de la famille royale continuent
d'effectuer des visites au Canada, mais aucun n'a passé autant de
temps en visite officielle dans ce pays que la
reine Elizabeth II, monarque en titre du Canada depuis
son accession au trône en 1952. Le Globe and Mail a
déclaré que la reine Elizabeth II était « le symbole
vivant de notre patrimoine tant anglais que français »
[traduction] (Bousfield et
Toffoli, 156) et qu'elle avait partagé avec nous de nombreux
événements importants de l'histoire de notre pays, comme
l'inauguration de la voie navigable du Saint‑Laurent en 1959,
le centenaire de la Confédération en 1967 et la tenue des Jeux
olympiques d'été de 1976 à Montréal. Lors de leur dernière visite,
Leurs Altesses Royales ont visité le village historique de Kings Landing, situé à
Prince William, au Nouveau‑Brunswick. Ce musée d'histoire
vivante comprend des édifices du patrimoine qui ont été déménagés
dans le cadre d'un projet hydroélectrique réalisé durant les années
1960. Ce village représente l'évolution de la vie rurale de la
province des années 1790 au début des années 1920.
La présence de monarques dans nos lieux patrimoniaux pendant ces
moments marquants de notre passé met en évidence l'importance
nationale de ces endroits et de ces événements pour notre
patrimoine collectif. Dans le discours qu'il a prononcé en 2011 à
Charlottetown, au même endroit que son ancêtre, le prince Édouard,
l'avait fait 151 ans avant lui, le prince William a déclaré ce
qui suit : « Catherine et moi sommes heureux d'être ici,
dans le Canada atlantique, devant la Province House, là où la fédération canadienne
a été formée […]. Ici, dans le creuset de la nation canadienne,
nous avons hâte de rencontrer le plus grand nombre d'entre
vous » [traduction]. Ces mots rappellent l'importance des
lieux patrimoniaux en tant que symboles immuables de notre histoire
commune. Tout comme notre lien avec la Couronne, nos lieux
patrimoniaux nous transmettent un sentiment de continuité dans un
contexte global canadien en constante évolution.
Voilà seulement quelques exemples de lieux patrimoniaux que les
membres de la famille royale nous ont fait l'honneur de visiter,
mais il y a en beaucoup d'autres partout au pays. Peut-être
avez-vous eu le privilège de croiser un membre de la famille royale
alors qu'il visitait l'une de nos nombreuses gares ferroviaires
patrimoniales, qu'il entrait dans un hôtel historique, qu'il
prononçait un discours devant une assemblée législative ou qu'il
visitait un lieu historique national? Si le passé est garant de
l'avenir, les membres de famille royale reviendront célébrer le
Canada !