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L’architecture de la défense au Canada

Le Canada est un pays relativement jeune, mais pendant bien des siècles, la guerre a fait partie de la vie des gens qui ont occupé et colonisé ses terres. Depuis les Maritimes jusqu'à la côte Ouest en passant par la toundra gelée du Nord et tous les endroits qui les séparent, le patrimoine militaire fait partie de notre paysage. Beaucoup d'anciennes places fortes militaires ont été désignées lieux historiques nationaux et témoignent des combats menés par nos ancêtres pour se défendre et pour protéger leur territoire et leurs ressources précieuses. Cette année, Parcs Canada, en tant qu'intendant de nombreux lieux militaires patrimoniaux d'importance nationale, célèbre son centenaire et commémore l'histoire militaire du Canada.

La guerre fait partie de toutes les sociétés depuis le début de l'histoire de l'homme. En réaction à l'évolution des armes, les humains ont inventé et perfectionné des structures leur permettant de se défendre contre ces armes. Les fortifications étaient autrefois des symboles de pouvoir et d'autorité. De nos jours, les Canadiens peuvent encore en trouver dans tout le pays de différentes tailles et formes et construites à l'aide de divers matériaux. 

Vous avez envie de créer votre propre fort? Vous voulez peut-être le construire à l'aide d'oreillers ou dans un arbre au milieu de la forêt? Les fortifications canadiennes vous donnent-elles des idées sur la façon de construire un fort imprenable? Voici des trucs et des conseils pratiques, inspirés de l'architecture militaire du Canada, sur la façon de construire les fortifications idéales qui résisteront à presque tous les envahisseurs, que ce soit des pirates, des soldats américains, britanniques ou français, des guerriers autochtones, des assaillants fenians ou des sous-marins ennemis.

Tout d'abord, il faut examiner plusieurs points avant de procéder à la construction de votre complexe militaire exceptionnel et imprenable : 

  1. Évaluez le paysage du secteur à défendre afin de tirer profit des caractéristiques du terrain. Les endroits élevés, comme les collines et les promontoires, offrent les meilleurs points de vue sur les environs. 
  2. Assurez-vous que tout obstacle, naturel ou artificiel, qui pourrait cacher la vue soit retiré afin que les attaquants puissent être repérés le plus tôt possible, et qu'ils n'aient pas la possibilité de se mettre à couvert derrière ces objets. 
  3. Tenez compte des aspects logistiques, par exemple le nombre de civils et de soldats qui occuperont la forteresse. Assurez-vous de stocker suffisamment d'armes et de vivres pour assurer leur survie pendant un long siège et ne pas avoir à capituler. 
  4. Tenez compte également des ressources humaines et financières à votre disposition, car elles détermineront la taille et l'importance de vos fortifications. Artist's conception of Battle Hill Village, Parks Canada / Conception artistique de la colline Battle Hill des Gitwangaks, Parcs Canada

La meilleure façon de défendre votre place forte est de faire en sorte qu'un assaillant ne puisse s'en approcher. L'exemple ci-dessous est celui du village fortifié de la colline Battle Hill des Gitwangaks, en Colombie-Britannique. Situé au sommet d'une colline abrupte, le village a servi de base aux Gitwangaks  pour lancer des attaques sur d'autres villages côtiers. Pour empêcher les attaquants de s'approcher de votre fort, essayez la technique employée par le guerrier Nekt dans ce village : selon la tradition orale, il a fait installer de grands rondins munis de pointes (indiqués par les flèches jaunes) horizontalement au sommet de la palissade. Ces rondins étaient retenus à l'aide de cordes qui pouvaient être coupées lors d'une attaque, ce qui les précipitaient sur les assaillants.

Carleton Martello Tower / Tour Martello de CarletonIl est crucial pour votre complexe principal de pouvoir s'appuyer sur d'autres ouvrages défensifs. Les Britanniques ont compris l'importance de ce système lorsqu'ils ont renforcé les défenses du port de Kingston en Ontario dans les années 1830 et 1840 à l'aide d'une série de forts et de tours Martello (des tours de pierre rondes munies de pièces d'artillerie et hautes de plusieurs étages). La construction d'une ou de plusieurs tours Martello à proximité de votre complexe militaire est une excellente façon de défendre un grand secteur comme un port sans avoir à investir dans la construction de vastes structures : ces tours ont l'avantage d'être pratiquement à l'épreuve des bombes grâce à leurs murs arrondis et à leur plafond voûté et renforcé (voir le plan ci-dessous). L'un des nombreux exemples de tours Martello construites par les Britanniques au Canada est la tour Martello de Carleton, érigée en 1813 pour défendre Saint John au Nouveau-Brunswick contre une éventuelle invasion des Américains pendant la guerre de 1812. Des pièces d'artillerie redoutables étaient installées sur le toit de ces structures et pouvaient être utilisées conjointement avec d'autres infrastructures militaires dans les environs. Les tours étaient autosuffisantes : elles comportaient des quartiers pour les membres de la garnison ainsi qu'une poudrière où étaient stockées les munitions nécessaires en cas de siège. 

Tenez compte de certaines des principales caractéristiques des forts coloniaux construits au Canada. D'abord, examinons une coupe en travers du fort Wellington, un fort construit par les Britanniques au XIXe siècle à Prescott, en Ontario. Un fossé (1) peut être creusé autour du périmètre du fort, et la terre ainsi accumulée peut être utilisée pour rehausser les remparts (2), car la terre a la capacité d'absorber le choc des projectiles d'artillerie et de protéger les casemates (3), des structures à l'épreuve des bombes construites à l'intérieur du fort pour entreposer les provisions. Un revêtement (4) ou mur de soutènement peut accroître l'angle des remparts et ainsi les rendre impossibles à escalader. Au sommet des remparts, un parapet (5) protège les troupes et les pièces d'artillerie des projectiles tirés par l'ennemi, et sert également de poste d'observation. Les soldats logent habituellement dans les casernes (6), tandis que les officiers militaires ont droit à des quartiers plus luxueux. L'approvisionnement en eau potable, par exemple grâce à un puits (7), est également une caractéristique essentielle du fort et lui permet de résister à de longs sièges.

Fort Wellington, LAC NMC-23132 / Fort Wellington, BAC NMC-23132

Par mesure de précaution, on recommande d'élaborer un plan d'action à suivre dans le cas où une brèche serait ouverte dans un mur de la forteresse. Prévoyez sous la forteresse un bunker souterrain à l'épreuve des bombes où vous pourrez trouver refuge. Un très bon exemple est le Diefenbunker à Carp, en Ontario, près de la capitale nationale. La structure a été construite de 1959 à 1961 pour servir Diefenbunker, Google Maps / Diefenbunker, « Google Maps »de plaque tournante de la défense et des communications où les hauts fonctionnaires du gouvernement pourraient se replier dans le cas d'une attaque nucléaire. Elle pouvait accueillir 535 personnes et fonctionner en autonomie complète pendant 30 jours grâce à des génératrices, une réserve d'eau potable et de l'équipement radio permettant de communiquer avec le monde extérieur. L'illustration ci‑dessous montre que, mis à part quelques caractéristiques intégrées au paysage, comme l'héliport et les deux entrées du tunnel blindé, peu de signes laissent deviner la présence d'une structure souterraine de quatre étages.

DEW Line showing FOX-M main station, Wikipedia / Le réseau d'alerte avancé montrant la station principale FOX-M, WikipediaAu XXe siècle, le perfectionnement des armes de guerre entraîne la nécessité d'inventer de nouvelles formes de défense qui diffèrent du concept classique du fort, et plusieurs méthodes sont inventées pour prévenir les attaques surprises. Des navires comme le NCSM Haida, un destroyer de classe Tribal datant de la Seconde Guerre mondiale, sont utilisés pour patrouiller les régions côtières et réduire le risque d'une attaque par la mer en interceptant l'adversaire avant qu'il n'atteigne les fortifications terrestres. Pour prévenir les frappes aériennes, les gouvernements canadien et américain installent vers la fin des années 1950 un réseau d'alerte avancé (ligne DEW) dans l'Arctique canadien qui permet de détecter l'approche de bombardiers soviétiques. Des postes de communication préfabriqués sont assemblés le long de la ligne DEW. Le train modulaire A de la station principale FOX-M, à Hall Beach, au Nunavut, et son réflecteur parabolique radar sont représentatifs de ce vaste réseau qui s'étendait autrefois dans l'Arctique.

Le fait d'être préparé à affronter tout type d'attaque augmente vos chances de réussite. Comme nous le rappelle l'ingénieur militaire français du XVIIIe siècle Sébastien Le Prestre de Vauban, l'art de la fortification ne repose pas sur des règles et des systèmes, mais seulement sur le bon sens et l'expérience. Au Canada, nous avons la chance d'avoir accumulé plusieurs siècles d'expérience pratique dans l'art de la défense, et ces connaissances portent sur les forts de pierre, les postes de traite des fourrures, les bunkers en béton, les stations radar préfabriquées, etc.

Tirez profit de ces trucs pour concevoir et peut-être même bâtir vos propres fortifications idéales qui pourront résister à toute attaque. N'oubliez pas de donner un nom à vos fortifications, un nom qui suggère la force et le pouvoir (bien sûr, vous pouvez aussi donner votre propre nom à vos fortifications pour qu'il passe à l'histoire). N'oubliez pas également de décider des « couleurs régimentaires » de vos troupes, c'est-à-dire de créer un drapeau que vos soldats reconnaîtront et qui servira de point de ralliement. Vous pouvez le hisser fièrement au-dessus de votre fort, une tradition qui est maintenue encore aujourd'hui dans bien des forts du pays!  Qui sait, peut-être que Parcs Canada célèbrera votre ouvrage de défense ingénieux lors de son tricentenaire.

Ressources :

Ressources de Parcs Canada relatives aux forts  : ressources pédagogiques créées pour les élèves du primaire et du secondaire afin d'améliorer leur connaissance des lieux historiques nationaux du Canada. 

Passerelle pour l'histoire militaire canadienne : Ce site fournit des renseignements sur l'histoire militaire du Canada en donnant accès à des archives, à des musées et aux collections de bibliothèques dans tout le pays. 

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