Le temps des Fêtes dans les lieux patrimoniaux
Laissez le « fantôme des Noëls d'antan » vous ramener
à la nuit de Noël de 1781 dans la Maison des Gouverneurs, à Sorel, au Québec.
Située environ à mi‑chemin entre Montréal et Québec, au confluent
de la rivière Richelieu et du fleuve Saint‑Laurent, cette grande
maison se dresse, seule, sur un terrain à la campagne. Vous sentez
peut‑être les tensions qui règnent sur cette terre exploitée par
les Français, mais dominée par les Britanniques. La guerre d'indépendance des États‑Unis, qui fait
toujours rage au Sud, suscite des préoccupations même ici. Pour les
occupants de cette résidence, le général allemand Friedrich Adolph
von Riedesel et sa femme Friederike Charlotte Louise von Massow, le
sentiment d'isolement est à son paroxysme. Entrez donc dans cette
maison pittoresque d'un étage et demi de tradition québécoise et
détendez‑vous à la lueur des chandelles blanches placées sur les
branches du grand pin. Vous serez la première personne en Amérique
du Nord à contempler ce spectacle, une tradition de l'ancien monde
ramenée au Canada par Charlotte qui, peut‑être, voulait ainsi
briser son isolement. Ce n'est que dans quelques décennies - pas
avant les années 1840 en fait - que la tradition de l'arbre de
Noël sera adoptée ailleurs au Canada.
Suivez maintenant le « fantôme des
Noëls d'antan » jusqu'en 1861. Ce Noël, le Canada n'est
pas encore un pays et la guerre de Sécession fait rage au sud de la
frontière. Les communautés anglophone et francophone des deux
Canadas célèbrent Noël dans la joie. Participez à la fête dans
l'impressionnante maison Sir George‑Étienne Cartier, à Montréal,
résidence de l'un des grands artisans de la Confédération
canadienne.
On entend le bruissement des longues robes à crinoline tandis
que les domestiques préparent un somptueux repas du soir. La maison
de George-Étienne Cartier arbore certaines des nouvelles
décorations que l'on trouve dans les magasins de Montréal
depuis 1860; ainsi, des boules de gui et des feuilles de houx
sont suspendues aux moulures décoratives, aux rampes de bois foncé
et aux murs couverts de papiers peints élaborés. Des cartes de Noël
colorées - une autre tradition nouvelle - ornent l'énorme manteau
de cheminée. Un arbre de Noël, décoré de boules de verre, de
chandelles et de guirlandes, est placé bien en vue dans un coin du
salon. Éclairées par la lueur chaude des lampes à huile, les pièces
de la maison cossue sont imprégnées de la magie de Noël.
Suivant la tradition canadienne‑française, la fête de Noël
débute par la messe de minuit, qui est suivie du réveillon, le
repas de minuit. La maison est enveloppée de l'arôme délicieux de
la tourtière, de la dinde rôtie, de la compote de pommes, de la
purée de pommes de terre, du pouding de Noël, des tartelettes et de
la bûche de Noël. Les convives peuvent déguster une bière de malt
ou d'autres spiritueux produits à la toute nouvelle distillerie Gooderham and Worts de Toronto. Au
début des années 1860, la tradition de l'échange de cadeaux
est de plus en plus répandue. Dans leur bas de Noël, les garçons
trouvent souvent un petit soldat de plomb tandis que les filles
reçoivent une poupée allemande aux yeux de verre.
Le nombre de personnes invitées à fêter Noël chez les Cartier
vous étonnera peut‑être : au terme des festivités, jusqu'à
50 personnes seront arrivées en calèche ou en traîneau pour
s'adonner à des jeux de société, danser et chanter des cantiques de
Noël. Tandis que la neige commence à tomber dans les rues de
Montréal, écoutez les chants de Noël traditionnels qui résonnent
dans la maison des Cartier, dont certains sont assez récents, comme
Minuit, chrétiens, Écoutez, les anges chantent et
Vive le vent. Certains amis anglophones de la famille
Cartier lisent à haute voix The Night Before Christmas, le
poème de Clement Moore devenu un classique dès sa parution dans les
années 1820, ainsi que des passages du conte merveilleux de Charles
Dickens, Un chant de Noël, publié dans les
années 1840.
Laissez maintenant le « fantôme des Noëls d'antan »
vous transporter en 1921. Au terme de la Première Guerre
mondiale, le Canada est devenu une nation prospère et florissante. Dans certaines
régions du pays, on suit encore les vieilles traditions de Noël.
C'est notamment le cas à l'école Brooksdale, où se déroule le concert de Noël de
cette minuscule communauté rurale de la Saskatchewan; dans la maison Molstad, à Edmonton, en Alberta, où
Mme Addie Molstad accueille les enfants du quartier de
Bonnie Doon à l'occasion de la fête de Noël; et dans la maison du révérend Charles Gordon à Winnipeg,
où une foule d'invités - notamment des auteurs, des éditeurs et des
politiciens - arrivent en Ford T pour écouter le sermon de
Noël avant de prendre place autour d'un souper de dinde et de purée
de canneberges.
Dans d'autres régions cependant, de nouvelles traditions voient
le jour. Les enfants s'attendent maintenant à voir le Père Noël
descendre de la cheminée pour leur apporter un train jouet, un
avion, une poupée, un livre, un costume de marin ou une jolie robe.
Des cadeaux achetés au grand magasin Eaton attendent maintenant
d'être développés au pied de l'arbre de Noël, illuminé par des
ampoules électriques. À l'Édifice de la Société Saint‑Vincent‑de‑Paul,
à Saint John, au Nouveau‑Brunswick, les membres de l'organisme
aident les familles dans le besoin en leur remettant des vêtements
usagés et en leur offrant un bon repas. Dans la grande ville de
Toronto, des hommes qui portent fièrement leur nouveau chapeau mou
et des femmes qui exhibent leur nouvelle robe courte et plissée,
leur chapeau‑cloche et leurs cheveux coupés au carré, suivant le
style garçonne, arrivent par le tram de la rue Queen Ouest à l'école de danse Pavlova, située dans le
quartier Parkdale, pour participer à une soirée dansante de Noël.
Un groupe de jazz joue le succès de 1921 Ain't We Got Fun,
une nouvelle chanson de Noël intitulée Carol of the Bells
et d'autres pièces populaires.
Le fantôme vous amène également à la maison Laurier, à Ottawa, la nouvelle résidence
de William Lyon Mackenzie King. Le nouveau premier ministre du
Canada n'y emménagera officiellement qu'en 1923, mais il
savoure sa récente victoire électorale et apprécie déjà ce legs que
lui a laissé la femme de Wilfrid Laurier, décédée en 1921. Dans son
journal, il écrit : « J'ai passé la journée à déballer
tranquillement des cadeaux, à ouvrir des cartes et à lire des
télégrammes et des lettres… J'ai reçu des tonnes de lettres et de
cartes… J'arrive à peine à toutes les lire… comme quoi le bonheur
d'un homme réside dans l'abondance de ses richesses… Je suis allé à
la messe ce soir, j'ai écouté l'oratorio Elias, et j'ai
soupé avec le colonel Thompson et sa femme… ce n'est qu'après deux
heures du matin que j'ai pu trouver le sommeil. » Il se peut
également que William Lyon Mackenzie King se demande où il trouvera
le temps de rénover la maison Laurier tout en gouvernant le Canada
au sein d'un gouvernement minoritaire lorsqu'il entrera
officiellement en fonction le 29 décembre 1921.
Quand enfin le « fantôme des Noëls d'antan » vous
ramène dans le présent, vous lui demandez : « Quel lien y
a‑t‑il donc entre ces Noëls passés et le présent? » Le fantôme
vous répond : « Laissez‑vous imprégner de la magie des
Fêtes et appréciez ces scènes de notre histoire, car elles ont
façonné notre identité personnelle et nationale. Découvrez‑les!
Revivez‑les! Partagez‑les! Ces lieux patrimoniaux et les histoires
qu'ils racontent représentent le cadeau que vous fait le Répertoire
canadien en cette période des Fêtes. Joyeux Noël à tous et à toutes
! ».