Description of Historic Place
La maison Saint-Gabriel, classée en 1965, est un domaine rural conventuel dont la construction s'étale de la fin du XVIIe siècle à la seconde moitié du XIXe siècle. La désignation s'applique à une maison de ferme en moellons construite en 1698, une grange en pierre du dernier quart du XIXe siècle et un terrain d'un peu plus d'un hectare. La maison de ferme est la composante maîtresse de l'ensemble. Le vaste corps de logis de plan rectangulaire, à deux étages et demi, est coiffé d'un toit aigu à deux versants droits à faible débordement. Lui sont greffées une annexe en pierre d'un étage et demi au toit en pavillon à trois versants (1826), à l'ouest, et une ancienne laiterie en pierre au toit à trois versants prononcés, à l'est. La grange rectangulaire en pierre à un étage est coiffée d'un toit à deux versants droits. Le terrain aménagé en jardin comprend plusieurs arbres matures ainsi qu'un hangar en bois du XXe siècle, une résidence en pierre datant des années 1960, un puits et une croix de chemin, éléments qui ne sont pas compris dans la désignation. L'ensemble est situé non loin du fleuve Saint-Laurent, à proximité du parc Marguerite-Bourgeoys, dans le quartier Pointe-Saint-Charles de l'arrondissement du Sud-Ouest de la ville de Montréal. Le domaine est entouré d'une aire de protection. Un site archéologique euroquébécois est associé au bien.
Heritage Value
La valeur patrimoniale de la maison Saint-Gabriel réside dans son ancienneté. Dès 1662, une terre est concédée par Paul de Chomedey de Maisonneuve (1612-1676) à Marguerite Bourgeoys (1620-1700). En 1668, celle-ci achète une terre voisine et la maison de ferme de François Le Ber (1612-1676), érigée vers 1662. Bien que la maison Le Ber ait été incendiée en 1693, ses fondations ainsi qu'une partie des murs de l'annexe est ont servi lors de la construction de la maison actuelle en 1698. Implantée à proximité du fleuve, en dehors des limites de l'ancienne ville fortifiée, la maison Saint-Gabriel témoigne donc de la période initiale d'occupation permanente de l'île de Montréal. Elle constitue le plus ancien témoin de la réalité rurale montréalaise et figure parmi les plus anciennes résidences religieuses subsistant au Québec.
La valeur patrimoniale de la maison Saint-Gabriel réside en outre dans son importance symbolique par rapport à l'oeuvre de Marguerite Bourgeoys et de la congrégation de Notre-Dame. Le domaine doit son implantation au travail de la religieuse qui acquiert terres et maison de ferme afin d'assurer la survie de sa communauté vouée à l'éducation féminine. Cadre d'accueil des « filles du Roy », la métairie est considérée comme le lieu de la première école de métiers féminins. Reconnue pour son rôle déterminant dans l'histoire de l'éducation au Québec, la congrégation, propriétaire de la maison depuis plus de trois cents ans, y poursuit son oeuvre à travers son musée, ouvert depuis 1966. Le domaine symbolise l'importance des communautés religieuses féminines québécoises et constitue un important lieu de mémoire pour l'histoire des femmes du Québec.
La valeur patrimoniale de la maison Saint-Gabriel réside aussi dans l'intérêt architectural de la maison de ferme et de la grange en pierre. L'habitation conserve plusieurs traits de la maison rurale d'inspiration française, dont le toit aigu à deux versants droits à faible débordement, les cheminées dans les murs pignons et les fenêtres à petits carreaux. La maison se distingue cependant par son vaste corps de logis à deux étages et demi, qui évoque les demeures urbaines du Régime français par la présence d'une cave et par son abondante fenestration. Le savoir-faire et l'adaptabilité des artisans sont démontrés par la solidité du bâtiment garantie par ses fondations à éperons visant à contrer les effets du gel et de l'instabilité du sol en bordure du fleuve, par la qualité de sa charpente de bois et par l'habileté dans la répartition des charges illustrée par les couronnements des ouvertures et les voûtes des deux cheminées. L'ajout de lucarnes en 1777 et de l'annexe ouest en 1826 s'est fait dans le respect des proportions, le bâtiment conservant une grande cohésion architecturale. La grange de pierre construite vers 1870, un élément rarement rencontré au Québec, s'harmonise avec la maison et contribue à faire de ce domaine conventuel un ensemble unique.
La valeur patrimoniale de la maison Saint-Gabriel réside également dans son intérêt ethnologique, comme témoin du mode de vie rural traditionnel et conventuel. L'emplacement des dépendances et l'aménagement intérieur de la maison, avec entre autres ses foyers, ses pierres d'évier, ses soupiraux servant de chutes à légumes, ses vastes aires communes bien éclairées et son dortoir, témoignent de la fonctionnalité de cette habitation adaptée à la vie en communauté. La chapelle, la niche à statue, la croix de chemin et le clocheton illustrent, par ailleurs, l'importance que la piété y tenait. La rusticité et la sobriété du décor intérieur ainsi que les espaces reliés aux activités agricoles révèlent la simplicité de la vie conventuelle à la maison Saint-Gabriel.
Source : Ministère de la Culture et des Communications du Québec, 2005.
Character-Defining Elements
Les éléments clés de l'implantation de la maison Saint-Gabriel comprennent, notamment :
- son emplacement entre le fleuve Saint-Laurent et le canal Lachine, sur un terrain aménagé incluant un jardin et des arbres matures de différentes essences;
- sa situation en face de l'île des Soeurs, en retrait de l'ancien secteur fortifié de la ville;
- sa situation en milieu urbain dans le quartier Pointe-Saint-Charles, à proximité du centre-ville actuel de Montréal, dans l'arrondissement du Sud-Ouest;
- la présence d'un site archéologique euroquébécois.
Les éléments clés liés à la valeur symbolique de la maison Saint-Gabriel comprennent, notamment :
- la conservation par la congrégation de Notre-Dame d'une partie du terrain initial, de la maison de ferme et des dépendances ainsi que la construction d'une résidence pour les religieuses;
- la présence d'un musée à vocation éducative incluant la maison de ferme et ses dépendances, la grange et le jardin;
- la proximité des parcs Le Ber et Marguerite-Bourgeoys.
Les éléments clés liés à l'intérêt architectural de la maison comprennent, notamment :
- le volume du corps de logis, dont le plan rectangulaire, l'élévation de deux étages et demi et le toit aigu à deux versants droits à faible débordement (couvert de tôle à la canadienne);
- la maçonnerie en moellons des murs à fruit, les épaisses fondations à éperons et les murs de refend de la cave;
- la charpente en bois de frêne et de chêne du toit à chevrons portant fermes avec croix de Saint-André et son assemblage (tenons et mortaises, gargouille, queue d'aronde et entures);
- les deux cheminées de pierre dans les murs pignons, le décalage de la cheminée est par rapport à l'axe de faîtage et les voûtes de la cave;
- les ouvertures, dont les portes d'assemblage et les fenêtres à battants à petits carreaux, les chambranles de bois surmontés par des arcs de décharge, les lucarnes à pignon et la contre-porte à deux vantaux de l'entrée principale;
- les poutres rustiques du plafond, les planchers à planches larges, le crépi des murs, les volets de fenêtre et la ferronnerie d'époque;
- les deux annexes latérales en pierre, leur chaînage d'angle et leur toit en pavillon à trois versants couvert de tôle à la canadienne.
Les éléments clés liés à l'intérêt architectural de la grange comprennent, notamment :
- le volume de plan rectangulaire à un étage et le toit à deux versants aux larmiers courts couvert en bardeau de cèdre;
- les ouvertures, dont les larges portes de bois, les petites fenêtres à carreaux et les lucarnes;
- le chaînage d'angle.
Les éléments clés de la maison Saint-Gabriel liés à son intérêt ethnologique comprennent, notamment :
- l'aménagement intérieur de la maison comprenant une division similaire des deux étages en deux vastes pièces d'inégales dimensions (salle commune et cuisine au rez-de-chaussée et dortoir et chapelle à l'étage supérieur) et le petit nombre de cloisons;
- les éléments fonctionnels intégrés à l'architecture, dont les deux grands foyers, les deux pierres d'évier et leur gargouille disposées sur les appuis de fenêtre, les armoires encastrées dans les cloisons et les volets;
- les éléments rappelant la vie agricole, dont l'annexe ouest destinée aux engagés de la ferme, les soupiraux dits en abat-jour servant de chute à légumes, l'aménagement du jardin privilégiant les plantes cultivées en Nouvelle-France ainsi que la présence d'une grange, d'une laiterie, d'une annexe en bois et d'un puits;
- les éléments évoquant la fonction conventuelle du domaine, dont le clocheton, la niche, la croix de chemin et la chapelle.